La soirée des soldats à l’auberge

 

 

LA Belle dormit des heures. Et elle n’eut que vaguement conscience que le Capitaine tirait le cordon de la sonnette. Il était debout et s’habilla sans lui donner un seul ordre. Et, quand elle eut ouvert les yeux, il se tenait au-dessus d’elle, dans la faible lumière d’un feu de cheminée qui venait d’être rallumé, la ceinture encore débouclée. D’un seul mouvement preste, il fit coulisser la ceinture de sa taille et la fit claquer à côté de lui. La Belle ne pouvait lire l’expression de son visage. Il avait l’air dur et lointain, et pourtant un petit sourire flottait sur ses lèvres dans le tréfonds de ses reins, elle le reconnut sur-le-champ. Elle retrouvait bien cette profonde tension, cette violente émotion, une douce décharge de fluides au fond d’elle-même.

Mais avant qu’elle puisse rompre cet état languide, il l’avait tirée à lui et l’avait reposée, à quatre pattes sur le parquet, en lui pesant sur le cou pour la forcer à écarter grands les genoux. Lorsque la lanière de cuir vint lui administrer une rossée dans l’entrejambe, une gifle mordante sur son pubis enflé, le visage de la Belle s’enflamma. À nouveau, une claque violente s’abattit sur les lèvres de son pubis, et la Belle baisa les planches en frétillant des fesses, qu’elle abaissait et relevait en signe de soumission. La gifle de la lanière de cuir l’abattit encore, mais avec prudence, et, lorsqu’elle punit ses lèvres protubérantes, elle se fit presque caressante ; la Belle, tout en inondant à nouveau le sol de ses larmes, lâcha un hoquet, la bouche grande ouverte, et leva les hanches encore plus haut, toujours plus haut.

Le Capitaine avança et, de sa grande main nue, il recouvrit le derrière endolori de la Belle en une lente caresse circulaire.

La Belle en eut le souffle coupé. Elle sentait ses hanches soulevées, ballottées, abaissées, et elle émit un petit bruit haletant. Elle se souvenait du Prince Alexis, au château, en train de raconter comment on lui avait fait remuer les hanches de cette façon ignominieuse, épouvantable.

Les doigts du Capitaine pétrissaient les chairs de la Belle, lui pressaient les deux fesses l’une contre l’autre.

— Frétillez donc un peu des fesses ! commanda-t-il à voix basse.

Et, d’une poussée, sa main souleva le derrière de la Belle, si haut qu’elle se retrouva le front plaqué au plancher, ses seins palpitant contre les lattes, et un gémissement vibrant s’étrangla en s’échappant de sa gorge.

Tout ce qu’elle avait pu penser ou redouter, au château, importait peu désormais : cela faisait si longtemps. Elle décrivait des cercles avec son derrière levé en l’air. La main se retira. La lanière vint gifler jusqu’à son sexe, et dans une violente orgie de mouvements elle frétilla, frétilla du derrière, comme on le lui avait demandé.

Tour à tour, son corps se relâchait, se détendait. Avait-elle jamais connu d’autre posture que celle-là, elle était incapable de clairement s’en souvenir. « Seigneur et Maître », soupira-t-elle, et la lanière cingla son petit mont de Vénus, le cuir éraflant le clitoris, qui enflait. De plus en plus vite, la Belle remuait le derrière dans un mouvement circulaire, et plus la lanière la giflait fort, plus ses sucs faisaient irruption en elle, au point qu’elle cessa d’entendre le bruit de la lanière contre ses lèvres toute glissantes, à cause de ses cris qui lui montaient du fond de la gorge, presque méconnaissables à ses propres oreilles.

Enfin, les gifles cessèrent. Elle vit les souliers du Capitaine devant elle, et sa main qui désignait un balai au manche court, à côté de l’âtre.

— À compter de ce jour, fit-il calmement, je n’aurai plus à vous dire que cette chambre doit être balayée et brossée, le lit changé, le feu préparé. Vous ferez cela tous les matins en vous levant. Et vous allez vous y mettre dès maintenant, ce soir, pour apprendre comment vous y prendre. Après quoi, on vous récurera dans le jardin de l’Auberge pour que vous serviez la garnison comme il convient.

Sur-le-champ, la Belle se mit au travail, à genoux, avec des mouvements agiles et précautionneux. Le Capitaine quitta la pièce, et quelques instants après, le Prince Roger fit son apparition avec la pelle à poussière, la brosse à récurer et un baquet. Il lui montra comment elle devait accomplir ces menues tâches, comment changer la literie, comment préparer le feu dans la cheminée et balayer la cendre.

Il n’eut pas l’air surpris que la Belle se contente de hocher la tête en signe d’approbation sans lui adresser la parole. Il ne lui venait pas à l’esprit de lui parler.

Le Capitaine avait dit : « tous les jours ». Ainsi, il avait l’intention de la garder ! Elle était peut-être la propriété de l’Enseigne du Lion, mais elle avait été choisie par son plus éminent locataire.

Elle n’aurait pu mieux s’acquitter de sa tâche. Elle borda le lit en lissant bien les draps, cira la table en veillant bien à demeurer tout le temps agenouillée et à ne se lever que lorsque cela lui était nécessaire.

Et, quand la porte se rouvrit, que Maîtresse Lockley la saisit par les cheveux et qu’elle sentit le battoir de bois la conduire en bas de l’escalier, elle était toute radoucie et transportée à la seule pensée du Capitaine.

En quelques secondes, elle se retrouva debout dans la grossière barrique de bois qui tenait lieu de baignoire. Les flammes des torches dansaient à la porte de l’Auberge et sur le côté du hangar. Maîtresse Lockley brossait à gestes rapides et sans trop de soin, et elle rinça le vagin endolori de la Belle avec du vin mêlé d’eau. Elle enduisit de crème les fesses de la Belle.

Pas un mot ne fut prononcé, tandis qu’elle faisait se courber la Belle d’un côté, de l’autre, la forçait à s’accroupir, lui passait la toison du pubis à l’eau savonneuse et la frictionnait non sans rudesse pour la sécher.

Alors, tout autour d’elle, la Belle vit d’autres esclaves que l’on baignait sans plus de ménagement, et elle entendit cette femme qui portait un tablier, aux manières frustes, et deux autres filles du village aux membres robustes qui échangèrent des plaisanteries sur un ton badin et d’une voix forte et se mirent à la tâche, en s’arrêtant de temps en temps pour assener un coup sur le derrière à l’un ou à l’autre de ces esclaves, sans raison apparente. Mais la Belle n’était capable de penser qu’à une chose et à rien d’autre : elle appartenait au Capitaine ; elle allait découvrir la garnison. Assurément, le Capitaine serait présent Et les bordées de cris et les salves de rires en provenance de l’Auberge la mettaient au supplice.

Lorsque la Belle eut été soigneusement séchée, qu’on lui eut brossé les cheveux, Maîtresse Lockley posa le pied sur le rebord de la barrique, bascula la Belle en travers de ses genoux et la frappa sèchement de son battoir de bois, à plusieurs reprises, puis imposa à la Belle de se mettre à quatre pattes, elle qui cherchait à reprendre son souffle et à se redresser.

Il était franchement curieux de ne pas s’entendre adresser la parole, pas même sous la forme d’ordres proférés avec impatience et sécheresse. Lorsque Maîtresse Lockley la contourna pour venir se placer à ses côtés, la Belle leva brièvement les yeux sur elle et, l’espace d’un instant, elle surprit le sourire froid de sa Maîtresse, avant que la femme eût le temps de se reprendre. Tout soudain, la tête de la Belle se redressa, entraînée par le seul poids de sa longue chevelure, et le visage de Maîtresse Lockley fut juste au-dessus du sien.

— Alors, comme ça, vous vouliez jouer la petite trouble-fête. Et moi qui avais l’intention de mettre vos fesses à mijoter pour mon petit déjeuner.

— Peut-être que vous devriez toujours, chuchota la Belle, sans en avoir eu l’intention, sans y réfléchir. Si c’est ce que vous aimez, pour le petit déjeuner.

Mais à peine eut-elle achevé de prononcer ces mots qu’elle fut prise d’un violent tremblement. Oh, que ne venait-elle pas de faire !

Le visage de Maîtresse Lockley s’éclaira d’une expression fort curieuse. Un rire à demi réprimé franchit le seuil de ses lèvres.

— Je vous verrai dans la matinée, ma chère, en même temps que tous les autres. Quand le Capitaine sera parti, à l’heure où l’Auberge est agréable et tranquille, et lorsqu’il n’y a personne ici, à part les autres esclaves qui attendent en rang pour recevoir leurs coups de fouet du matin, comme il se doit. Je vous apprendrai à ouvrir la bouche sans ma permission.

Mais ce fut dit avec une chaleur inhabituelle, et Maîtresse Lockley avait les joues tout empourprées. Elle était vraiment jolie.

— Et, maintenant, trottez, commanda-t-elle avec douceur.

La grande Salle de l’Auberge était déjà bondée de soldats et d’autres hommes occupés à boire.

Un feu ronflait dans l’âtre, un mouton tournait sur la broche. Et des esclaves en position debout, la tête inclinée, filaient sur la pointe des pieds pour verser le vin et la bière dans des dizaines de cruches en étain. La Belle jetait des coups d’œil un peu partout, dans cette foule de buveurs vêtus de sombre, avec leurs lourdes bottes de cheval et leurs épées, et, lorsque les esclaves venaient poser devant eux des assiettes fumantes de nourriture, se pencher au-dessus des tables pour essuyer ce que l’on y avait renversé, quand ils rampaient à quatre pattes pour éponger le sol, ou quand ils se jetaient par terre pour récupérer une pièce espièglement lancée dans la sciure, elle apercevait en un éclair tous ces derrières nus et leur toison pubienne luisante.

Dans un angle mal éclairé de la pièce résonnaient les accords pinces d’un luth, le claquement cadencé d’un tambourin et la lente mélodie d’un cor. Mais les débordements des rires noyaient les sons de la musique. Les fragments épars d’un refrain ne s’élevaient par bouffées que pour s’évanouir aussitôt Et de toute part on demandait à se faire servir à boire et de la viande, on appelait pour qu’arrivent encore d’autres jolis esclaves, afin de divertir la compagnie.

La Belle ne savait plus où donner de la tête. Un robuste officier de la garde, dans sa cotte de mailles qui scintillait de reflets, souleva de terre une Princesse à la peau très rose et aux cheveux très clairs et l’installa, assise sur la table. Mains derrière la tête, elle se mit à danser et à sautiller sur un rythme rapide, comme on le lui avait demandé, les seins ballottés, la figure écarlate, ses cheveux blond cendré voletant sur ses épaules en longues anglaises parfaitement bouclées. Ses yeux brillaient d’un mélange de peur et d’une évidente excitation. Et puis une autre esclave aux membres délicats se retrouva basculée en travers d’une paire de genoux vêtus de gros drap, et fessée ; de ses mains agitées, elle se protégea le visage, avant qu’un spectateur amusé ne les lui écarte et, un brin joueur, ne les lui étire devant elle.

Entre les barriques disposées le long des murs, d’autres esclaves nus se tenaient debout les jambes écartées, les hanches saillantes, comme s’ils attendaient qu’on vienne les chercher. Et dans un angle de la salle, un beau Prince, la chevelure abondante et bouclée lui tombant sur les épaules, était assis sur les genoux d’un balourd, un soldat, leurs deux bouches vissées l’une à l’autre en un baiser, et, simultanément le soldat caressait l’organe du Prince qui se dressait à la verticale. Le Prince aux cheveux roux lécha la barbe noire et mal rasée du soldat, lui avala le menton dans la bouche, puis lui rouvrit les lèvres pour se remettre à l’embrasser. Ses sourcils étaient comme noués sous l’intensité de l’émotion, alors même qu’il se tenait assis, là, aussi impuissant, aussi immobile que si on l’avait ligoté, son derrière chevauchant en cadence les genoux du soldat, qui pinçait la cuisse du Prince pour le faire sauter en l’air, le bras gauche du Prince relâché contre la nuque du soldat, sa main droite enfouie dans l’épaisse chevelure de ce dernier, ses doigts y flottant mollement.

Dans le coin opposé, une Princesse à la chevelure noire se démenait à faire des tours sur elle-même, les mains cramponnées aux chevilles, les jambes écartées, ses longs cheveux balayant le sol, tandis qu’on lui versait une cruche de bière sur ses tendres parties intimes et que les soldats se penchaient pour venir, joueurs, laper le liquide entre les poils bouclés de son pubis. Subitement, elle se retrouva en appui sur les mains, les pieds hissés en l’air, et un soldat lui remplit le sexe de bière jusqu’à ce qu’il déborde.

Maîtresse Lockley arracha la Belle à ce spectacle pour lui mettre entre les mains une cruche de bière et un plat d’étain chargé de nourriture fumante, et, de ce fait, la Belle dut tourner le visage pour apercevoir, à l’écart, la silhouette du Capitaine. Il était assis à une table pleine de monde, de l’autre côté de la salle, le dos au mur, une jambe allongée sur le banc devant lui, les yeux fixés sur la Belle.

La Belle se démena pour avancer rapidement, sur les genoux, le torse bombé, en tenant le plat bien haut ; une fois arrivée à côté de lui, elle s’agenouilla et tendit le bras par-dessus le banc pour poser la nourriture sur la table. En s’appuyant sur un coude, il lui caressa les cheveux et étudia son visage comme s’ils étaient seuls, alors que, tout autour d’eux, les hommes riaient, bavardaient, chantaient. La dague en or luisait à la lumière de la chandelle, et les cheveux d’or du Capitaine, sa petite moustache rasée de près au-dessus de la lèvre supérieure et ses sourcils. Lorsque sa main releva la chevelure de la Belle au-dessus de ses épaules et la lissa, sa douceur inaccoutumée provoqua des frissons sur les bras et la gorge de la Belle ; et, entre ses jambes, ce spasme inévitable.

Elle imprima à son corps une sorte de petite ondulation, sans l’avoir vraiment voulu. Aussitôt, la main droite du Capitaine se referma autour de ses poignets avec force, il se leva du banc en la soulevant du sol, et elle se retrouva suspendue au-dessus de lui.

Prise par surprise, elle blêmit, puis, quand on la retourna en tous sens, elle sentit le sang lui monter au visage et vit le soldat se retourner pour la regarder.

— À mes chers soldats, qui ont bien servi la Reine, annonça le Capitaine, et aussitôt on tapa du pied et on applaudit bruyamment. Qui veut être le premier ?

La Belle sentit les lèvres de son pubis enfler, se comprimer, quelques gouttes de suc jaillirent à leur ourlet mais, dans le tréfonds de son âme, une explosion de terreur silencieuse la paralysa. « Que va-t-il m’arriver ? » se demanda-t-elle, tandis que ces corps sombres formaient un cercle autour d’elle. La silhouette massive d’un homme à forte carrure se dressa devant elle. Doucement, les pouces de l’homme s’enfoncèrent dans la chair tendre de ses aisselles, l’étreignirent solidement, et il l’éloigna du Capitaine. Ses halètements s’étouffèrent dans sa gorge.

D’autres mains guidèrent ses jambes autour de la taille du soldat. Elle sentit son crâne toucher le mur derrière elle, elle se cala les mains derrière la tête pour qu’elles lui tiennent lieu de reposoir, sans cesser un instant de dévisager le soldat, et puis la main droite de ce dernier plongea pour délacer ses hauts-de-chausses.

Il se dégageait de l’homme une odeur d’écurie, de bière, et le parfum capiteux, délicieux de la peau tannée par le soleil et du cuir brut L’homme battit des paupières, et, l’espace d’un instant, ses yeux noirs se fermèrent, lorsque sa queue plongea dans la Belle, lui écartant ses lèvres distendues. Les hanches de la Belle martelèrent le mur sur un rythme effréné.

Oui. Maintenant. Oui. La peur se dissolvait en une émotion plus grande, une émotion sans nom. Les pouces de l’homme mordaient les aisselles de la Belle, tandis que le pilonnage se poursuivait Et, tout autour d’elle, dans la pénombre, elle vit une bonne vingtaine de visages qui regardaient. Le brouhaha de l’Auberge se soulevait comme une vague pour retomber avec le fracas du ressac.

La queue déchargea en elle son fluide chaud qui l’inonda, et son orgasme irradia dans tout son corps, l’aveugla, et la bouche ouverte, ses cris jaillirent d’elle avec des soubresauts. Nue, le visage écarlate, elle se laissa porter par cette vague de plaisir, là, au beau milieu de cette taverne commune.

Une fois encore, elle se retrouva soulevée, vidée.

Elle sentit qu’on l’installait à genoux sur la table. On lui écarta les genoux et on lui plaça les mains au-dessous des seins.

Tandis qu’une bouche affamée lui suçait le téton, elle rehaussa les seins, cambra le dos, les yeux timidement détournés de tous ceux qui l’entouraient La bouche avide lui tétait maintenant le sein droit, tirant dessus avec force, et la langue dardait de coups de poignard le petit caillou du téton.

Une autre bouche s’était emparée de son autre sein. Comme le plaisir se faisait presque trop aigu, elle se pressa contre ces bouches qui la suçaient, et des mains lui écartèrent de plus en plus les jambes, et son sexe descendit plus bas, presque à en toucher la table.

Un instant, la peur revint, la brûlant à blanc. Il y avait des mains partout sur elle ; on lui maintint les bras, on lui plaça les mains de force dans le dos. Elle ne pouvait se libérer de ces bouches qui tiraient sur ses seins. Son visage fut renversé en arrière, et, lorsqu’on l’enfourcha, une ombre noire vint la couvrir. La queue s’enfonça dans sa bouche béante, ses yeux fixèrent le ventre velu situé au-dessus d’elle. Elle suça cette queue de toute ses forces, elle la suça aussi fort que ces bouches suçaient son sein, et, la peur s’évaporant à nouveau, elle gémit.

Son vagin frémissait, les fluides s’en écoulaient le long de ses cuisses bien écartées, et elle fut secouée de violents soubresauts de plaisir. La queue plongée dans sa bouche était terriblement appétissante mais ne pouvait la satisfaire. Elle aspira cette queue plus à fond, encore plus à fond, jusqu’à ce que sa gorge se contracte, sous la salve de foutre qu’elle reçut en elle, et les bouches tiraient gentiment sur ses tétons, les mordillaient, et les lèvres de son sexe se refermèrent en vain sur leur vacuité.

Mais quelque chose vint toucher son clitoris palpitant, le frotta au travers de la mince pellicule d’humidité qui le lubrifiait. L’objet plongea en elle, franchit les lèvres de son pubis affamé. C’était le pommeau de la dague, rugueux, serti de joyaux, encore…, c’était lui…, bien sûr…, et il l’empala, encore…

Elle jouit dans une éruption de cris feutrés, étouffés, et ses hanches pompaient, aspiraient, et toutes les visions, tous les bruits, toutes les odeurs de l’Auberge se dissolvèrent dans le flot de sa frénésie. Le pommeau de la dague la maintenait la garde lui cognait le pubis, ne laissait plus de fin à son orgasme, lui arrachait cri sur cri.

Même lorsqu’on l’étendit le dos contre la table, cette dague la tourmentait encore, la forçait à se contorsionner, à gigoter des hanches. Dans un brouillard, elle vit le visage du Capitaine au-dessus d’elle. Et, tandis que le pommeau de la dague la secouait de haut en bas, elle se tordait comme une chatte, et ses hanches claquaient contre la table.

Mais on ne lui permit pas de jouir à nouveau si vite.

On la souleva. Elle sentit qu’on l’allongeait sur un large tonneau. Son dos épousa les contours du bois humide, elle put renifler l’odeur de la bière, et ses cheveux retombèrent jusqu’au sol ; l’Auberge cul par-dessus tête lui défila devant les yeux dans un déchaînement de couleurs. Une autre queue lui entra dans la bouche, en même temps que des mains fermes lui ancraient les cuisses autour de l’arrondi du tonneau, et une queue pénétra son vagin humide. Elle ne possédait plus ni poids ni équilibre. Elle n’était plus capable de rien voir que le sombre scrotum devant ses yeux, l’habit de l’homme, défait. On lui suçait les seins, on les giflait, des doigts puissants les pétrissaient, les comprimaient l’un contre l’autre. Ses mains cherchèrent à tâtons les fesses de l’homme qui remplissait sa bouche, et elle s’y agrippa. À une autre cadence, l’autre queue la défonçait contre la barrique, la colmatait, lui broyait le clitoris. Dans tous ses membres, elle se sentit consumée, marquée au fer rouge. Cela ne montait pas seulement de son entrejambe, de ses seins fourmillant de picotements, son corps entier était devenu un sexe.

 

Elle fut portée jusque dans le jardin, les bras noués autour d’épaules fermes et puissantes.

C’était un jeune soldat brun qui la portait, qui l’embrassait, qui la pelotait. Il y en avait partout sur l’herbe verdoyante, de ces hommes qui riaient à la lumière des flambeaux en faisant cercle autour des esclaves dans leurs baignoires, et ils adoptaient à présent des manières beaucoup plus accommodantes, maintenant que les premières passions brûlantes avaient été satisfaites.

Ils encerclèrent la Belle, à qui l’on plongea les pieds dans l’eau chaude. Ils s’assirent à genoux, leurs outres pleines de vin dans les mains, ils firent gicler le vin sur elle, la chatouillèrent sous le jet de nectar, la lavèrent. Ils la baignèrent avec la brosse et le linge, c’était à moitié un jeu, ils rivalisaient entre eux, et c’était à qui lui remplirait la bouche, lentement attentivement, de ce vin aigrelet et frais, et à qui l’embrasserait.

Elle essaya de se remémorer ce visage-ci, ce sourire-là, la peau très douce de celui qui était doté de la plus grosse queue, en vain.

Ils l’allongèrent dans l’herbe, sous les figuiers, et elle se retrouva montée, de nouveau, son jeune ravisseur, le soldat aux cheveux bruns, lui broutant rêveusement la bouche, avant de l’entreprendre sur un rythme plus lent, plus doux aussi. Elle tendit les bras derrière elle, sentit la peau fraîche et nue de ses fesses et l’étoffe de ses hauts-de-chausses à moitié baissés, et puis, en tâtant la ceinture défaite, le vêtement en chiffon, et son derrière à demi dénudé, elle lui enserra la queue de son vagin, et il haleta, fort, comme un esclave, sur elle.

 

Plusieurs heures plus tard.

Elle était assise, pelotonnée sur les genoux du Capitaine, la tête contre sa poitrine, les bras autour de son cou, à moitié endormie. Comme un lion, il s’étira sous elle, et sa voix fut un grondement sourd émanant de son large torse, lorsqu’il s’adressa à l’homme en face de lui. Il berçait la tête de la Belle dans sa main gauche, et son bras lui fit l’impression d’être immense, empreint de force et d’aisance.

Simplement, de temps à autre, elle ouvrait les yeux sur la lumière aveuglante et enfumée qui baignait la taverne.

Plus tranquille, moins désordonnée que tout à l’heure, la taverne. Le Capitaine parlait, parlait. Les mots « Princesse fugitive » lui parvinrent distinctement.

« Princesse fugitive », songea la Belle assoupie. Elle était incapable de prêter attention à ces histoires. Elle referma les yeux, se blottit contre le Capitaine, qui resserra son bras gauche autour d’elle.

« Comme il est splendide, songea-t-elle. D’une beauté fruste. » Elle aimait les rides profondes de son visage tanné, l’éclat de ses yeux. Une pensée bizarre lui vint à l’esprit. Elle se souciait aussi peu de ce que pouvait être le sujet de leur conversation qu’il ne se souciait de lui adresser la parole. Elle se sourit à elle-même. Elle était son esclave frissonnante et nue. Et il était son Capitaine, fruste et bestial.

Mais ses pensées glissèrent vers Tristan. Devant Tristan, elle s’était déclarée si rebelle.

Que lui était-il arrivé avec Nicolas le Chroniqueur ? Comment le saurait-elle jamais ? Peut-être le Prince Roger pourrait-il lui apporter des nouvelles. Peut-être le petit monde fermé du village avait-il ses canaux d’informations secrets. Il lui fallait savoir si Tristan allait bien. Elle aurait juste voulu le voir. Et, rêvant de Tristan, elle sombra de nouveau dans le sommeil.

La Punition
titlepage.xhtml
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_000.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_001.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_002.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_003.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_004.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_005.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_006.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_007.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_008.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_009.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_010.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_011.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_012.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_013.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_014.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_015.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_016.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_017.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_018.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_019.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_020.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_021.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_022.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_023.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_024.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_025.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_026.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_027.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_028.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_029.html